Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Roger Leloup avant « Yoko Tsuno »
Contrairement à la plupart des autres compilations de référence publiées aux éditions Dupuis (« Spirou et Fantasio », « Johan et Pirlouit », « Natacha »? et bientôt « Gil Jourdan » qui est annoncé pour le mois de juin), celle consacrée à « Yoko Tsuno », dont un nouveau volume vient juste de fleurir les rayons de nos librairies, regroupe des épisodes dont les sujets sont assez proches, ceci à la demande de l’auteur.
Ainsi, dans ce septième tome, retrouve-t-on trois « Sombres complots » où l’héroïne (dont le premier court récit fut publié le 24 septembre 1970, dans les pages de l’hebdomadaire Spirou) affronte l’infâme financier et fabricant d’armes Kazuky et se lie d’amitié avec une belle héritière écossaise.
Il s’agit de « La Fille du vent » (neuvième péripétie publiée en 1978) où Roger Leloup fait retourner sa dynamique Japonaise dans son pays d’origine et en profite pour évoquer son passé (dix ans plus tard, il nous racontera plus en détail cette jeunesse dans « L’Écume de l’aube », un roman paru chez Casterman, en 1999), de sa douzième enquête (« La Proie et l’ombre ») qui date de 1981 et de la dix-neuvième (« L’Or du Rhin ») publiée dans Spirou en 1992 : trois histoires aux thèmes complémentaires où se mêlent habilement, comme d’habitude dans cette série mythique de la bande dessinée classique, intrigues, fantastique (et même science-fiction), humanisme et émotion : « L’actrice japonaise Yoko Tani m’a toujours fasciné et c’est en pensant à elle que j’ai baptisé mon héroïne Yoko… D’autre part, l’adoption de notre fille qui est asiatique m’a évidemment beaucoup éclairé sur le comportement que pouvait avoir Yoko… J’ai cherché à créer un personnage avec lequel le lecteur ait envie de tisser des liens d’amitié, de passer sa vie auprès d’elle et pas seulement un moment. » (1)
On ne peut pas présager de l’avenir, mais il y a de fortes chances pour que Roger Leloup, qui va avoir bientôt 76 ans, demeure dans l’histoire de la bande dessinée, tout comme Morris et son « Lucky Luke », l’homme d’une seule série ; d’autant plus que sa « Yoko Tsuno » lui permet d’intégrer sa passion pour la technique et d’aborder ses thématiques de prédilection. Cependant, son apprentissage, qui se fit auprès des plus grands, mérite d’être un peu plus mis en lumière…
Ce minutieux dessinateur (né à Verviers, en Belgique, le 17 novembre 1933) manifeste très tôt une passion pour les avions, les robots et autres mécanismes que l’on retrouve d’ailleurs dans les aventures de sa « Yoko Tsuno ». Comme il est plutôt doué pour le dessin, il s’inscrit à l’institut Saint-Luc de Liège, poussé par l’un de ses professeurs (le père de Maréchal, le dessinateur de « Prudence Petitpas ») ; ce dernier étant persuadé que cela pourrait déboucher sur une situation d’avenir comme, par exemple, le dessin industriel. …
Á l’âge de 17 ans, sa rencontre avec Jacques Martin (le dessinateur d’« Alix » et de « Lefranc » qui venait de s’installer dans la région verviétoise à la suite de son mariage : voir le « Coin du patrimoine » sur les débuts de cette figure de la « ligne claire » http://bdzoom.com/5612/patrimoine/le-coin-du-patrimoine-ave-alix-pardon-avant-alix/) est déterminante ! « Je le rencontrais de temps à autre car il venait acheter sa brillantine au salon de coiffure de mon père. C’est comme cela que nous avons fait connaissance. Il cherchait des jeunes dessinateurs pour l’assister dans son travail. Je lui avais proposé quelques copains de Saint-Luc mais, ceux-ci ne convenant pas, il m’a finalement proposé de venir travailler chez lui durant les vacances. Et c’est ce que j’ai fait… »
Roger Leloup assiste alors Jacques Martin sur les chromos de la collection « Voir et savoir » (particulièrement sur les avions qu’il adore dessiner), sur les coloriages d’« Alix » et, par la suite, sur les décors de plusieurs albums dont « La Griffe noire », « Les Légions perdues », « Le Dernier Spartiate » et « Le Dieu sauvage ». « Ce dont je suis le plus fier c’est, par exemple, la citadelle spartiate, le camp retranché romain ou, encore, Rome sous la pluie vue de la terrasse où Alix se réveille. Ce sont des images fortes qui me reviennent spontanément à l’esprit… ».
Comme Jacques Martin travaillait directement pour Hergé sur cette collection « Voir et savoir » et que cela nécessitait un va-et-vient incessant entre Verviers et Bruxelles, le dessinateur de « Tintin » décide de regrouper l’atelier Martin et son propre studio. Ceci alors que Roger Leloup effectue son service militaire dans les blindés : « C’est donc dix-huit mois plus tard, en février 1953, que j’ai réellement débuté mon travail pour Hergé et j’y suis resté quinze ans ! ». On lui doit, entre autres, les avions de la nouvelle version de « L’Île noire », la gare de Nyons dans « L’Affaire Tournesol », l’avion qui se crashe dans « Tintin au Tibet » et qui sera finalisé par Bob De Moor par la suite, les lettrages à l’apparence tibétaine de cet album, les chaises roulantes dans « Les Bijoux de la Castafiore », le jet Carreidas de « Vol 714 pour Sydney »… « Vous savez, c’est moi qui, depuis « L’Affaire Tournesol », ai dessiné tous les titres. A ce propos, j’ai une anecdote : un jour, Hergé furibard me montre un album de Jacobs et me fait remarquer que ce dernier a utilisé ses lettres pour réaliser le titre. Il ne se souvenait plus que c’était Jacobs lui-même qui avait réalisé son alphabet. Hergé était tellement furieux qu’il n’a pas voulu le livre et me l’a donné. »
On compare souvent, le trait de Roger Leloup à celui d’Edgar-Pierre Jacobs. Rien d’étonnant à cela, puisque le futur auteur de « Yoko Tsuno » a réalisé les coloriages de certains « Blake et Mortimer » qui se faisaient au sein du studio Hergé : « Jacobs voulait que je devienne son assistant. En fait, il aurait voulu me « voler » à Martin. Il râlait sans cesse pensant que Martin copiait ses idées, ce qui n’était pas vrai : nous disposions tout simplement des mêmes documents, notamment de la revue Esso. Forcément, il n’y avait, par exemple, pas trente-six façons de dessiner un pétrolier… Je lui avais aussi fourni toutes sortes de documentation, notamment sur les chasseurs à réaction F-104 pour « Les 3 formules du professeur Sato ». Par la suite, étant devenu plus indépendant, il m’a proposé de reprendre la série. Ce que j’ai refusé parce que je n’aurais pas pu signer mon travail. Ensuite, vu son extrême lenteur, cela n’aurait pas été rentable. Et puis, j’avais envie de tourner la page… »
Ce qui est encore beaucoup moins connu, même des spécialistes, c’est que, dès 1954 (et ceci jusqu’à la fin de 1958), Roger Leloup signait de son propre nom une série de pages didactiques souvent intitulée « Science et aventure » dans l’hebdomadaire Tintin. Il s’agissait d’une page rédactionnelle régulière très illustrée, s’apparentant à de la bande dessinée, où il peaufinait son style en essayant de se libérer, tant bien que mal, du style de Jacques Martin et d’Hergé.
En pleine quête d’indépendance professionnelle, Roger Leloup devient pourtant (en plus de ses travaux pour Hergé) le principal collaborateur de Francis Bertrand, le dessinateur de « Marc Lebut et la Ford T », lequel ne signait que de son seul prénom ; ceci par l’entremise de son ami Charles Degotte (le dessinateur du « Flagada »). Pour l’occasion (il réalisait les décors pour les mésaventures de « Monsieur Bouchu » (2) parues dans J2 Jeunes, de 1966 à 1967, et pour un récit complet intitulé « Les Penseurs de Rodain », publié dans le n°1521 de Spirou, en 1967), il se confronte à un style proche de celui de Peyo : « Francis ayant repris « Jacky et Célestin » en tant qu’assistant de Peyo pour Le Soir Illustré, je l’ai à nouveau secondé de décembre 1967 à octobre 1968 en réalisant des décors et, finalement, le scénario de « Un Barbu a disparu », une aventure de « Jacky et Célestin » où j’ai mis les prémices de ce qui deviendra plus tard « Le Feu de Wotan »… ».
Á noter qu’à la même époque, Roger Leloup, infatigable, réalise aussi, avec un trait tout à fait différent, quelques décors pour le « Bruno Brazil » de William Vance (scénarios de Greg). Mais il n’avait pourtant pas fini de côtoyer le monde du créateur de « Johan et Pirlouit » : « Comme Peyo s’était retrouvé cloué sur un lit d’hôpital, Yvan Delporte, le scénariste et rédacteur de Spirou, eut l’idée de lui adresser chaque jour une demi-page mettant en scène ses personnages. Il faut savoir que ce n’était pas des dessins publiables… J’ai alors imaginé une histoire dans laquelle la Schtroumpfette, qui avait oublié de prendre la pilule, tombait enceinte. Et c’est peut-être de là qu’est née, dans l’esprit de Peyo, l’histoire du « Bébé Schtroumpf »… Ayant vu ma façon de réaliser ses petits personnages, Peyo m’a proposé de les dessiner pour lui et, pour la première fois, à ma grande surprise, lorsque cette histoire est parue en Hollande, elle était signée Roger Leloup & Peyo : et non le contraire ! Je dois avouer que j’ai été profondément touché par cette attention de sa part… ».
Ce n’est qu’au début de 1970, que notre dessinateur décide enfin de voler de ses propres ailes, ayant trouvé le courage d’annoncer à Hergé son envie de quitter ses studios : « Alors que je travaillais toujours pour Hergé, en 1968, Peyo m’avait confié la réalisation d’une histoire de « Jacky et Célestin » que je devais présenter chez Dupuis. J’avais la possibilité, à raison d’une page par semaine, de faire ce travail, le soir, à la maison. Dans mon scénario, il y avait un Japonais qui n’était vraiment pas sympathique et je ne voyais vraiment pas comment les héros allaient aider ce personnage. Donc, je leur ai adjoint une sœur qui, bien entendu, allait devenir Yoko. Mais Charles Dupuis a refusé cette histoire car il ne voyait pas l’intérêt de reprendre ces héros… »
En fait, chez Spirou, on préférait que Roger Leloup crée de nouveaux personnages. Il remplace alors Jacky et Célestin par Nic et Pol à qui il adjoint le personnage féminin japonais prévu pour le projet qu’il vient d’évoquer, mais entre-temps… : « Peyo m’a proposé de reprendre « Benoît Brisefer », mais Walthéry et Gos n’étaient pas très chauds et cela ne s’est pas fait… Ennuyé de ne pas avoir de travail à me donner, il m’a finalement présenté à Maurice Tillieux qui cherchait quelqu’un… Ce dernier m’a surtout aidé pour les premiers scénarios de « Yoko Tsuno » : j’ai écrit seul toutes les fameuses premières histoires courtes reprises dans l’album « Aventures électroniques », mais Tillieux a retravaillé les dialogues et a co-signé l’histoire pour que j’obtienne un prix correct chez Dupuis. En réalité, il leur a imposé un prix à la page. » (3)
Mais c’est surtout la planche d’essai pour la première histoire longue de la très typée « Yoko Tsuno » (passée depuis au premier plan), en partance pour la planète Vinéa dans « Le Trio de l’étrange », qui convainc les gens de la rédaction du journal Spirou puisqu’ils cherchaient justement une histoire de science-fiction qui devait paraître simultanément en Allemagne (dans le magazine Eltern)… Au bout du compte, Roger Leloup aura quand même attendu pratiquement vingt ans avant de saisir enfin l’occasion de mettre au monde une héroïne en qui il puisse incarner ses obsessions, ses craintes, ses espoirs et ses fantasmes… Qui a dit que « le temps ne fait rien à l’affaire » ?
Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN aux manettes
(1) Tous les témoignages de Roger Leloup sont issus de confidences inédites à l’époque (surtout sur son travail au studio Hergé) que ce dernier avait confié à Stephen Caluwaerts (l’actuel responsable des éditions Flouzemaker) et André Taymans (le dessinateur de « Caroline Baldwin », de la résurrection de « Sibylline » et de quelques épisodes de « Lefranc »), lesquelles ont été retranscrites, en novembre 2001, dans le n°6 de la collection Á Propos (« Á Propos de Yoko Tsuno ») : ouvrage épuisé depuis longtemps. Merci à Stephen Caluwaerts pour nous avoir autorisé à en reproduire ici quelques extraits pertinents.
(2) Roger Leloup a réalisé les décors de trois aventures de « Monsieur Bouchu » (personnage créé par Francis qui fut publié, dans J2 Jeunes, de 1965 à 1968) : « La Couronne de Marguerite » (40 planches publiées dans J2 Jeunes, du n°40 au n°47 de 1966), « Le Magicien de Boulotville » (45 planches publiées dans J2 Jeunes, du n°19 au n°27 de 1967), et surtout « Le Dernier Assyrien » (publié dans J2 Jeunes, du n°4 au n°11 de 1967). A noter que cet épisode est crédité, à la dernière page, d’après une idée de M. Tillieux !
(3) Vous pouvez également lire d’autres interviews passionnantes de Roger Leloup dans Hop! n°1, n°38 et n°62, Schtroumpfanzine n°25, Sapristi n°13, Spécimen n°1, Coccinelle n°17 et n°38, Circus n°29, Baroud n°6, Spirou n°3138, Á Propos n°6, Bo Doï n°89, On a marché sur la bulle (NS) n°8, BullDozer n°5… Mais comme la plupart de ces revues sont aujourd’hui introuvables, vous n’avez plus qu’à vous connecter sur le site officiel de « Yoko Tsuno » : http://www.yokotsuno.com !
ah, le gag de Tilleux et de ses deux fez, repris dans le « 13ème apôtre » !
Merveilleux article, comme d’habitude je dois dire. Roger LELOUP a bercé mon enfance, et c’est un des plus grands « décorateurs » avec Christian DENAYER à mon sens.
J’ignorais qu’il avait collaboré à ALIX, et comme par hasard, ce sont des albums superbes. J’aurais du remarquer les montagnes dessinées par Leloup, elles sont très Lelousiennes en effet. Tout comme « Tintin au Tibet » . Il a grandement participé aux albums Tintin, tout comme MARTIN d’ailleurs, tout se recoupe finalement, et comme par hasard ce sont les Tintin les plus beaux graphiquement.
Ah, « l’orgue du diable »j’avais 6 ans quand je l’ai découvert pages par pages dans Spirou! Je n’oublierai pas le choc causé par la découverte du chateau Allemand et son ambiance incroyable.
Encore merci pour cet article qui sera suivi de bien d’autres j’espère !
Superbe article qui révèle des anecdotes effectivement peu connues.
Je suis membre du site :Yoko, l’amitié au bout du rêve » et j’aimerais proposer au webmaster de celui-ci de mettre ces nouvelles en lien.
Avec citation de l’auteur bien sûr.
Amicalement.
Michel
Un article bien intéressant en effet. Je recherche les infos précises (année, scan) concernant certains magazines évoqués : Baroud n° 6, Coccinelle 17, Coccinelle 38 et Specimen 1. Quelqu’un peut-il m’aider ? Merci. J’aimerais pouvoir trouver et lire ces articles.
Jean-Louis
Euh… Est-ce que vous vous rendez compte que le dessin de Yoko en kimono bleu est un fan-art et pas un dessin de Leloup ?! Il est même signé… Certes, le dessinateur s’est probablement inspiré d’une pose similaire par l’auteur original, mais le trait (bien moins assuré) n’a rien à voir avec celui de Leloup.
Bonjour…
Euh… et bien non, on ne s’en était pas rendu compte : merci de nous le signaler, on va l’enlever illico !
Bien cordialement
La rédaction